De l’évidemment à l’évidement… Pardit !
C’est par une question en forme de « Qui suis-je ? » que Christian Fierens annonçait, pour nous, la sortie de son dernier ouvrage dans une newsletter du Questionnement Psychanalytique. À l’heure où l’on se demande : « de quel sexe » ou « de quel genre » suis-je, poser la question de l’être peut dérouter. Et s’il est ici question de genre dans cette re-lecture de L’identification de Lacan, elle porte sur un « genre universel », un « genre de savoir », « genre de demande » ou « genre d’identification », mais pas de « genre tout court » puisque, à cette question « qui suis-je », toute réponse en « Tu es », s’entend comme un « tuer » qui destitue la dynamique inventive de l’inconscient, au profit d’une unité primordiale et fantasmée, S1 ponctiforme et statique.
« Or, il est crucial d’entendre que le « sujet » de la psychanalyse n’est pas une chose réaliste. »
Le sous-titre de cette Lecture indique, dès le départ, l’effet de boucle et la torsion que l’auteur invite à considérer : de l’utopie d’identité au moteur de l’invention. Double invitation, motrice, au départ d’une illusion : inventer et réinventer constamment, la place de l’analyste autant que celle de l’analysant, et redéfinir leur manière de faire lien. S’il s’agit bien d’invention, elle se situera dans la continuité du mouvement signifiant et du déplacement subjectif de l’analyste en position d’objet@ dans la cure :
« Si l’analyste tient la place de l’objet a, il devra primo engendrer sa propre réceptivité, secundo il devra le faire pas seulement selon le modèle névrotique du tore, mais selon le fantasme fondamental du crosscap, tertio il devra se défaire de toute idée de modèle et d’exposition (« spécularisable »), quarto il ne pourra le faire qu’à partir du processus d’énonciation et de voisinages topologiques en évitant les pièges du réalisme. » (Lecture de… p.206)
Il s’agît ici d’une invitation à « faire » avec l’identification, dans une tension transférentielle, qui ne consiste pas à faire passer un savoir d’un sujet qui sait à un autre sujet qui ne le sait pas encore, mais à suivre le principe du mathème : non pas « tu peux savoir », mais « tu peux le faire par toi-même ». Dans ce cas, refaire soi-même le séminaire sur l’identification suivant une éthique psychanalytique en questionnement permanent. L’exercice pourrait paraître simple ou l’invitation triviale, mais comme nous le montre Fierens, il doit impérativement se faire au plus près du texte, au risque de dénaturer son propos.
(Le numéro 24 de La Revue Lacanienne, aux éditions Érès, est disponible ici. La « Lecture de L’identification » de Christian Fierens ici.)